Le travail, et d’abord l’étonnement devant la quantité de travail que les coopératrices et coopérateurs d’Ardelaine ont mobilisé avec constance, pour relever, restaurer, équiper, outiller, explorer, inventer, faire grandir pas à pas… Une telle quantité et une telle constance auraient-elles été envisageables si ce travail avait été sans qualité, je ne le crois pas. Je crois plutôt qu’une des intentions fondatrices était et demeure celle de faire du travail un travail vivant, émancipateur, avec comme boussole la double préoccupation de prendre soin du Monde dans toutes ses composantes et de l’agir ensemble.
Étonnement, lancé comme un pont par Jean-François Draperi, vers le moment de la naissance des associations ouvrières de production où la question du travail était au cœur du débat politique, particulièrement lors de la Révolution de 1848. Droit au travail, droit à l’appropriation des fruits de ce travail, revendication d’en finir avec l’exploitation et la servitude dans laquelle la « nouvelle aristocratie bourgeoise » tenait les ouvriers qui seuls produisaient le travail utile, tels étaient en vrac les mots d’ordre traduisant une volonté de s’affranchir, de s’émanciper. Et Jean-François Draperi de nous rappeler que l’effervescence de ce moment, moment de « l’éclosion coopérative », verra se multiplier une série d’expérimentations multifonctionnelles se développant comme des « micro-républiques communautaires ». Elles ne parviendront cependant pas à durer, d’une part elles seront frappées par la répression impériale, d’autre part elles connaîtront le sort des utopies pratiquées qui est de gagner en réalisme ce qu’elles perdent en imagination voire en vision prophétique ou messianique.