Le label Entreprise du Patrimoine Vivant est une marque de reconnaissance de l’État, mise en place pour distinguer des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence.
Créé par la loi en faveur des PME du 2 août 2005, le label peut « être attribué à toute entreprise qui détient un patrimoine économique, composé en particulier d’un savoir-faire rare, renommé ou ancestral, reposant sur la maîtrise de techniques traditionnelles ou de haute technicité et circonscrit à un territoire ».
Ce label est décerné par le/la secrétaire d’Etat chargé(e) du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, pour 5 ans renouvelables.
Un peu d’histoire
« C’est un patrimoine qui s’en va ! » se dirent les découvreurs de la filature de Saint-Pierreville en 1972, en voyant le toit du bâtiment effondré sous les neiges de l’hiver 1970.
En effet, à l’étage inférieur, ils avaient découvert de petites machines à carder, à filer et bobiner la laine qui semblaient figées comme une « Belle au bois dormant ». Elles étaient le rare témoin d’une époque préindustrielle où l’énergie de la petite hydraulique le long des cours d’eau était aussi locale que l’approvisionnement en laine et la commercialisation des produits. Alors que, par ailleurs, on connaissait la mondialisation des échanges et la concentration industrielle du textile.
Cet établissement, comparable à ceux qu’on pouvait trouver dans d’autres régions d’élevage de moutons, avait été créé en 1850 à côté d’un moulin à farine qui utilisait lui aussi une roue hydraulique. Il a fonctionné une centaine d’années, géré par un couple aidé d’un ou deux ouvriers. Son activité a décliné à partir de l’après guerre avant de cesser définitivement en 1970.
Il fallait des yeux neufs et une bonne dose de naïveté pour imaginer relancer une activité lainière sur ce site !
Faire revivre ce patrimoine ?
« Quand une usine meurt on crée un musée » dit-on… mais l’idée des fondateurs d’Ardelaine était de faire revivre la filature ! Comment faire quand on constate l’hétérogénéité des laines locales et que l’on ne peut ignorer qu’il existe des machines industrielles très performantes par ailleurs ?
En restructurant une filière laine locale, c’est à dire en intervenant sur tous les maillons de la chaîne… Et dans la laine, il y en a un certain nombre : tonte des moutons et tri des laines, lavage, cardage, filature, teinture, création, tricotage, modélisme, coupe, confection et vente, pour ne parler que de la filière vêtements…
Des métiers disparus
Pour démarrer l’entreprise, ils ont commencé par fabriquer des matelas. Mais la matelasserie était un métier en voie de disparition, tout comme l’usage du matelas de laine et il a fallu apprendre ce métier d’artisan auprès des anciens. Aujourd’hui en France, les matelassiers ne sont que quelques uns et ce savoir-faire est devenu très rare, presque conservatoire.
Des machines d’un autre âge
Pour carder, il n’a pas été possible de remettre en marche les cardeuses du site, trop endommagées. Il a fallu acheter, démonter et rapatrier des machines qui partaient à la casse ou dans les pays émergents à la suite de la déstructuration de l’industrie lainière de la région de Mazamet.
Ces machines fonctionnent encore aujourd’hui grâce à un mécanicien de génie qui a su les entretenir et les réparer. Elles ont été fabriquées en Belgique en 1926 et 1938 et elles tournent encore ! De la belle mécanique qui fait dire à certains « il faut les classer ».
Des parcours muséographiques
Ce n’est qu’après avoir relancé les activités de fabrication sur le site de l’ancienne filature, que la coopérative Ardelaine a créé des parcours pour transmettre l’histoire et les techniques des métiers de la laine. On y découvre les méthodes anciennes pour tondre, carder, filer ou tisser, avant la mécanisation, mais aussi une évocation quasi unique de l’époque des manufactures avec une magnifique maquette scénarisée de 4m de large sur 2,50m de hauteur. On y trouve aussi une reproduction de la célèbre « Spinning jenny » que les guides font fonctionner devant vous ainsi que des petites machines à carder qui permettent de comprendre les inventions techniques qui ont bouleversé notre monde.
C’est donc pour la conservation d’un savoir-faire rare, pour son activité traditionnelle liée à son territoire et pour sa capacité à transmettre les techniques aux jeunes générations, qu’Ardelaine a reçu le label « ENTREPRISE du PATRIMOINE VIVANT ».